Contrainte d’élever seule ses trois enfants après le meurtre de son mari dans des circonstances mystérieuses, Maria plonge dans le monde interlope de Manille pour mener l’enquête, mais réalise qu’elle va devoir se confronter à sa propre noirceur pour permettre à sa famille d’être à l’abri.

Le réalisateur Ben Rehki a choisi un sujet sensible et polémique pour son long métrage : la vague d’assassinats de trafiquants de drogue commise par la police aux Philippines sous l’actuelle présidence de Rodrigo Duterte ces trois dernières années. Rappelant le contexte, il précisait lors de la conférence de presse que les philippins « sont eux mêmes très divisés tant sur le sujet de la drogue et que le Président, créant un climat de tensions permanentes ». Aussi pour demander l’autorisation de tourner dans le pays, a-t-il dû soumettre un faux scénario.
Le film a en effet été tourné sur place, dans les rues mêmes où des meurtres étaient perpétrés. Pour obtenir des images au plus près du réel, ils ont tourné une partie du film caméra à l’épaule, afin que la ligne entre les faits et la fiction soit la plus mince possible. De même, utilisant une caméra numérique Alexa et des optiques qui ouvraient beaucoup, celui leur a permis de travailler sans avoir à ajouter trop d’éclairage artificiel -tout juste quelques ampoules- ce qui contribue à l’authenticité. Et c’était la préoccupation première du réalisateur, conscient que si le film n’était pas crédible sur un thème aussi grave, il essuierait un flot de critiques.
L’interprétation des acteurs principaux contribue elle aussi grandement au réalisme : citons tout d’abord Alessandra De Rossi, actrice italiano-philippine, dont le personnage est des mots du réalisateur « difficile car elle fait des choses horribles et contestables » pour tenter de protéger sa famille. Le personnage masculin interprété par Jake Macapagal -présent à Deauville- s’est approprié son personnage et lui a donné une direction qu’il a lui-même choisi.

Résumer trois ans de grande violence dans un pays en quatre-vingt minutes ne peut qu’atteindre de plein fouet le spectateur, la difficulté a donc été pour l’équipe de mettre le curseur entre ce qui devait être montré, et ce qui serait de la violence gratuite. La balance a été parfaitement trouvée par Ben Rehki, qui signe un film très fort, nous ouvrant les yeux brutalement sur ce qui se passe actuellement aux Philippines. Plus généralement, il met le doigt sur la question de la montée de l’autoritarisme partout dans le monde.
A voir pour une prise de conscience brutale mais nécessaire
