A l’occasion de ce week-end hommage au centenaire du Prix Goncourt décerné à Marcel Proust les 26 et 27 octobre à Cabourg, de nombreux événements étaient organisés parmi lesquels une table ronde « Proust et le Goncourt », conversation entre Pierre Assouline, membre de l’Académie Goncourt, et Luc Fraisse, Professeur en université et membre de l’Institut Universitaire, commentateur et éditeur spécialiste de Marcel Proust.
L’échange était animé par Jérôme Bastianelli, Directeur Général délégué du Musée Quai Branly – Jacques Chirac et Président de la Société des Amis de Marcel Proust.
Pierre Assouline, qui a publié en mai 2019 « Proust par lui-même », estime que ce Goncourt n’a pas rendu service qu’à l’auteur et parle de « triplé : le Goncourt a lancé Proust, le Goncourt, prix qui a plus d’impact médiatique et commercial à partir de 1919, et Gallimard, qui jusque là était une maison confidentielle réservée à l’élite ».
Pour autant, si le Goncourt a rendu service à Marcel Proust, ce prix a fait grand bruit à l’époque. En effet, les protestations ont été nombreuses car c’est Roland Dargelès et son ouvrage « Les Croix de bois » qui étaient alors attendus, dans un pays rempli d’anciens combattants au sortir de la guerre de 14-18. Que le prix soit décerné à un jeune auteur aisé et réformé a été vivement critiqué. Luc Fraisse, qui vient d’éditer aux éditions de Fallois des nouvelles inédites de Proust, évoque ainsi les réactions de l’époque, précisant que la presse de gauche » a hurlé que le prix aurait dû être remis à un jeune […] Cela a été politisé alors que pourtant il est difficile de cerner l’auteur sur le sujet ». Mais comme le souligne Pierre Assouline, « nous avons le regard des gens qui le lisent pour la première fois aujourd’hui, on sait que c’est un grand écrivain. La légende modifie le regard. » Ne fallait-il pas être visionnaire pour percevoir dans le style de l’auteur un talent unique.
Si nous lisons de moins en moins Proust, quelques pages parmi les centaines pourraient suffire dans un certaine mesure car « chaque page contient un monde » comme l’expliquait Luc Fraisse. Stéphane Heuet, qui adapte depuis plus de vingt ans A la Recherche du temps perdu en bande dessinée, a permis à de jeunes générations de découvrir l’auteur sous un abord en apparence plus accessible. En revanche se pose la question de la pertinence de publications telles que celle des nouvelles inédites. Si Luc Fraisse, qui trouve que c’est un « miracle de retrouver un ensemble pareil au lieu qu’il ne soit livré aux flammes ou à Sotheby’s » estime que cela permet de connaître ce qu’écrivait Proust à ses débuts, car un « écrivain se cache de plus en plus, se maîtrise » au fur et à mesure de son évolution. Pierre Assouline porte un regard différent sur ces nouvelles qui seront lui auraient dû rester inédites, ajoutant que « Proust avait exprimé le jugement le plus négatif sur ces textes en les retenant pas ».
Le mieux, c’est peut être de vous faire une idée par vous-même ?