La nouvelle est tombée : François Busnel présentera le 6 juillet 2022 l’émission littéraire La Grande Librairie sur France 5 pour la dernière fois. Et la symbolique ne pouvait être plus forte puisque l’émission fêtera sa 500e. Lui qui depuis quatorze ans nous donne envie chaque semaine de dévaliser les librairies, qui sait nous donner l’impression que tous les écrivains sont accessibles, et qui se fait chaque semaine le porte-parole des auteurs avec sa voix à jamais associée à La Grande Librairie, nous abandonnerait-il ? Pas vraiment. Tout d’abord parce qu’il sera toujours producteur de l’émission, présent en régie chaque semaine, mais aussi parce qu’il poursuivra la présentation de la P’tite Librairie. Le journaliste a précisé dans un communiqué son envie de « relever de nouveaux défis : faire des films de cinéma et des séries, écrire et tourner des documentaires, produire des nouveaux talents. »

François Busnel au Festival du film de Cabourg (2022) © Deauville, on t’aime !

Après plusieurs émissions et documentaires, et la création du magazine America, c’est aux côtés du réalisateur et producteur Adrien Soland que François Busnel a décidé de réaliser un film documentaire consacré à Jim Harrison, l’un des plus grands écrivains américains contemporains, auquel nous devons notamment Légendes d’automne ou Nageur de rivière. Frustré par le format télévisuel qui lui était imposé pour une émission Carnets de route, le journaliste a proposé cinq ans durant à l’écrivain de réaliser un film documentaire. Après de nombreux refus, Jim Harrison a finalement accepté et le tournage a débuté chez lui dans le Montana à l’été 2015.

« Il voulait être filmé tel qu’il était, abîmé mais debout ».

François Busnel

L’immense écrivain y apparaît à la fois dans toute la force qui se dégage de son génie, et dans toute sa fragilité également, avec un corps qui arrive à ses dernières limites. Un homme qui remonte difficilement son pantalon, une respiration sifflante, c’est ainsi que la brièveté de l’existence est aussi traitée. Jim Harrison avait insisté auprès de François Busnel sur le fait que les gens ont la fâcheuse tendance à scénariser la vie des écrivains et à insister sur la Légende. Inquiet de la mince « lisière entre l’impudeur et l’irrespect », François Busnel a relevé le défi dans son premier long métrage : sans voix off, il nous montre un Jim Harrison à son bureau ou en train de pêcher. L’écrivain commente les principaux moments de son existence, ses habitudes d’écriture, combien il a exploré l’histoire du génocide des Indiens d’Amérique ou comment il est devenu l’icône du féminisme après avoir été longtemps détesté des femmes. Les images sont sublimes, les moments très forts.

Il faut également savoir que ce sont les dernières images tournées de l’écrivain. Il était prévu que Adrien Soland et François Busnel retournent le voir le 8 avril 2016 pour tourner à une autre saison que l’été dans ces paysages magnifiques. La vie en a décidé autrement : Jim Harrison s’est éteint le 26 mars.

Adepte du cinéma-vérité à l’instar des films de Frederick Wiseman et Depardon, François Busnel nous offre ici bien plus qu’u documentaire : son regard sur le monde et les hommes.

En salle depuis le 23 mars 2022 – 1h52 – Nour Films

Ma note : 09/10

La docusérie « Cheer » fait partie des documentaires de grande qualité sur Netlfix. Réalisée par Greg Whiteley, à qui l’on doit également « Last Chance U » sur le football américain, la série suit pendant six épisodes la préparation de la meilleure équipe universitaire du pays : celle de Navarro College, au Texas, qui s’entraîne pour tenter de remporter une quatorzième victoire au championnat universitaire qui se déroule chaque année à Daytona, en Floride.

Lorsque l’on évoque le cheerleading, certains pensent spontanément aux clichés de paillettes, pompons, jupes (très courtes) et filles (très) superficielles. C’est l’occasion de faire tomber ces préjugés totalement erronés.

Ces filles ET garçons s’entrainent extrêmement dur, ce sont de véritables athlètes de haut niveau qui mettent leur vie entre parenthèse pour se consacrer quasi-exclusivement à leur discipline. Les chutes et les blessures sont nombreuses, l’épuisement gagne, les rivalités menacent quand les sélections approchent. Car si chacun rêve de décrocher une place de choix pour le championnat, les pyramides, cascades, portés ne valent que si l’équipe est soudée et s’entend bien. La moindre erreur peut être dramatique, les cascadeuses jouent leur vie lors de certaines figures.

Ces jeunes puisent souvent leur force dans leur passé difficile. Une volonté de s’en sortir, de vivre eux aussi le fameux rêve américain. Souvent issus de milieux populaires, leur résilience est hors-norme. Lexi, au regard éteint, a échappé à la prison grâce au cheerleading; La’Darius, extravagant, qui a subi les coups de ses frères à cause de son homosexualité et a abandonné le football américain pour cette discipline; Gabi aux sept cent mille abonnés sur Instragram et qui a développé un vrai business, pilotée par ses parents transformés en managers.

L’occasion de montrer aussi cette Amérique dans laquelle des jeunes gens luttent pour s’en sortir, se raccrochent à une personnalité adulte pour compenser l’absence -voire l’inexistence- de leurs parents, et sont prêts à aller au bout d’eux-mêmes dans l’espoir d’un avenir meilleur.

Dimanche 8 septembre était projeté dans le cadre du Festival le documentaire « Apollo 11 » , film réalisé par Todd Douglas Miller à partir d’images inédites retrouvées et restaurées. Elles ont été tourné quelques jours avant, pendant et juste après la célèbre mission du premier homme sur la lune.

Ces images ont été miraculeusement retrouvées dans un entrepôt par Dan Rooney, superviseur de la section films des Archives nationales. 177 bandes en 70mm et plus de 11.000 heures d’enregistrements audio ont servi à la création de ce film époustouflant.

Ici, aucun besoin d’effets spéciaux, ces images réelles dépassent de loin la meilleure des fictions, alternant les images tournées de la station spatiale avec des travellings dans les salles de la NASA, montrant le nombre de personnes mobilisées pour un seul et même grand objectif.

Nous avons beau être « spoilés » sur la l’issue de la mission… le suspens est incroyable, notamment lors du déclenchement de diverses alarmes avant l’alunissage.

Vous suivrez pas à pas l’ambiance tant parmi le public, qu’entre les astronautes étonnamment décontractés.

Le documentaire n’était malheureusement visible en salles que du 4 au 8 septembre.

Aga

Nanouk et Sedna forment un couple de Iakoutes vivant en harmonie avec leur environnement et dans les plus anciennes traditions de leur peuple. Malgré tout, des changements s’opèrent, le besoin de pétrole pour des lampes qui souille le sol immaculé, les avions et hélicoptères qui fendent le bleu du ciel, les rennes qui semblent avoir tous disparus sauf un esseulé, le printemps qui débute plus tôt, faisant fondre la glace bien avant l’heure… Leur fille Aga et leur fils Sedna sont eux partis travaillés ailleurs.

« Aga » est le second long métrage du réalisateur Milko Lazaro après « Aliénation ». Le producteur français était présent au Festival du Film de Cobourg et a pu nous en dire plus sur le tournage. Après de nombreux repérages au nord de l’Arctique, et de longues hésitations, c’est la Iakoutie qui a été retenue comme lieu. S’en sont suivies de longs castings et trois mois de préparation pour les acteurs qui ne sont pas habitués aux tournages « à l’occidental » qui demandent toujours plusieurs prises avec d’infimes changements.

Si le scénario originel était plus étoffé et « dynamique », le contenu à dû être épuré notamment pour des questions de réalisation. Le réalisateur et scénariste avaient projeté certaines scènes dans leur imaginaire, qui se sont avérées impossibles à tourner avec des acteurs locaux et dans les conditions de tournage extrêmes qui étaient les leurs, par moins vingt degrés en moyenne.

Aride résumerait bien ce long métrage. Avare de dialogues , il nous offre de belles histoires d’amour dans un univers pur mais en voie de disparition. Un voyage onirique, proche du documentaire par lequel le réalisateur a souhaité rendre hommage au film « Nanouk » de 1922, premier documentaire consacré aux Inuits et réalisé par Robert J Flaherty « Aga ».

Le film était présenté à la dernière Berlinale et était à Cabourg une avant-première en France. Succès pour le réalisateur qui remporte le Grand Prix !

Sortie le 7 novembre 2018

Ce film documentaire a été réalisé en 2015 par Jimmy Chin, alpiniste et photographe. Il retrace l’histoire de son partenariat avec deux autres grands alpinistes : Conrad Arker et Renan Ozturk, et leur escalade de la voie du Shar’s Fin vers le pic Meru, situé en Inde et l’un des plus difficiles sommets du monde.

Ces hommes dépassent toutes les limites imaginables, risquant leur vie à chaque geste, pour accomplir leur rêve. Le prix est parfois lourd à payer, les partenaires ne reviennent pas toujours, s’en suit alors la terrible culpabilité du survivant.

Jimmy Chin est également un grand photographe qui a mis ses talents au service de sa passion. Le documentaire est ainsi non seulement passionnant mais offre aussi de sublimes images.

1h30 de fascination. A voir absolument

 

Frédéric Wiseman, maître du cinéma documentaire du XIXème siècle, a consacré sa dernière réalisation en date à un quartier très cosmopolite de New-York, Jackson Heights, au sein duquel cohabitent toutes les religions et nombre de communautés.

A travers des interviews de femmes et hommes du quartier, dans les commerces, les réunions de quartiers, le réalisateur nous montre la complexité de préserver ses coutumes tout en vivant ensemble et en tentant de s’intégrer.

Si ce documentaire revêt un caractère beaucoup plus social que les précédents de par son thème. Il s’était auparavant intéressé à la danse, consacrant une réalisation au Ballet de l’Opéra de Paris et un autre au Crazy Horse, que je vous recommande chaudement si vous aimer la danse.

Plus récemment, il avait posé sa caméra à la National Gallery.

Projection en avant-première du document CARY GRANT, DE L’AUTRE COTE DU MIROIR de Mark Kidel, en présence des producteurs Christian Popp et Katia Laraison
Il s’agit du onzième film du réalisateur, qui a été présenté en avant-première également au Festival de Cannes
Icône du cinéma classique américain, le réalisateur a souhaité savoir ce qu’il se cachait derrière. Il s’est servi de ses archives privées tournées par l’acteur en 8mm et 16mm, ainsi que de son autobiographique jamais publiée.
Le documentaire permet ainsi de découvrir son histoire et notamment son enfance tragique. Sa mère ne s’est jamais remise de la mort de son autre enfant et disparaîtra quelques années plus tard laissant Archie Leach (nom de bapteme de Cary Grant) sans nouvelles. Son père ne lui expliqua rien à l’ époque. Commençant à travaillee dans une troupe d’acrobates, il partira avec eux à NYC où il choisira de rester. Il retrouvera finalement sa mère.. dans un asile à côté de sa maison d’enfance, où son père l’avait faite interner. Il l’a fera alors sortir et restera en contact à distance avec elle. Pendant la guerre il demandera la nationalité américaine et adoptera son nom de scène. Les réalisateurs George Cukor et Hitchcock sont les deux qui ont eu la plus grande influence sur sa carrière, decelant son côté cockney et en faisant un atout, puis mettant en avant sa part sombre. Accablé d’une crise existentielle, il entreprendra sous les conseils de sa second épouse une thérapie au LSD qui d’après lui lui permet d’appréhender certaines périodes de sa vie plus sereinement. Néanmoins il reste éternellement dans la crainte que ses femmes, à l’ instar de sa mère, le quittent.

Nommé directeur de la danse en novembre 2014 à l’Opéra de Paris, Benjamin Millepied apporte avec intelligente et finesse son regard jeune et moderne à cette institution.

Il a choisi 37 danseurs du corps de ballet pour sa création « Clear, Loud, Bright, Forward ».

Le documentaire réalisé en 2015 par Thierry Demaizière et Alban Teurlay présente l’intégralité du processus créatif, ainsi que la préparation des danseurs, des costumes, de la musique.

Un très beau travail de montage permet de sublimer les images et la réalisation de ce documentaire qui est certainement l’un des plus beaux sur le sujet.

 

Dimanche 4 septembre, le Festival rendait hommage au grand Michael Moore. Ce dernier a malheureusement du annuler sa venue suite à l’hospitalisation de l’un de ses proches. Dommage. Pour nous certes, mais également pour lui, de ne pas avoir entendu cette salle pleine d’Européens rire et applaudir.

Projeté en avant-première dans la sélection Les docs de l’Oncle Sam, son dernier documentaire suit son périple à travers l’Europe où il a décidé de venir pour puiser l’inspiration. Sa quête ? Trouver des solutions aux problèmes politiques, économiques et sociaux auxquels est actuellement confrontée l’Amérique. De l’Italie à la Norvège en passant bien sûr par la France, il récoltera de bonnes idées. Sont-elles cependant novatrices ?

Le Festival nous permet chaque année, au delà de la découverte de nouveaux films, d’avoir également une « global picture » de l’Etat de l’Amérique, et de confronter nos points de vue sur la société.

C documentaire n’incarnerait-t-il pas à lui seul l’objet de ce Festival?

A voir

En salles le 14 septembre 2016