Le synopsis : après la Fashion Week, Carl et Yaya, couple de mannequins et influenceurs, sont invités sur un yacht pour une croisière de luxe. Tandis que l’équipage est aux petits soins avec les vacanciers, le capitaine refuse de sortir de sa cabine alors que le fameux dîner de gala approche. Les événements prennent une tournure inattendue et les rapports de force s’inversent lorsqu’une tempête se lève et met en danger le confort des passagers.

Ce nouveau (très) long-métrage de Ruben Östlund lui a offert sa seconde Palme d’Or au Festival de Cannes après « The Square » en 2017. Le réalisateur Suédois est passé maître dans l’art de dépeindre notre société sous des traits monstrueux qui révèlent les côtés sinistres de la nature humaine. Il faut dire qu’il y a matière. L’importance accordée aux apparences, tant physiques que matérielles, est renforcée par les réseaux sociaux omniprésents dans nos vies. La beauté physique est également devenue source de richesse économique. Les écarts ne cessent ainsi de se creuser.

Le réalisateur Ruben Östlund présent au Festival de Deauville © Anne-Sophie R

La critique acerbe qui est faite de l’univers de la mode et dans une plus large mesure

Ruben Östlund peut se permettre de livrer une critique acerbe de l’univers de la mode, lui qui tire son inspiration de domaines qu’il connaît personnellement : ainsi a-t-il crée en 2018 une ligne de vêtements pour homme et découvert à cette occasion les écarts de salaire entre hommes et femmes, qui à l’inverse de la plupart des secteurs d’activité y est favorable … aux femmes ! Sa compagne est elle photographe de mode. La première scène qui présente un casting de modèles masculins est jubilatoire. Le titre original « Triangle of Sadness » qui en est tiré est d’ailleurs plus évocateur à mon sens de la critique acerbe à laquelle se livre le réalisateur. Ce « triangle de la tristesse » désignerait les rides qui se marquent entre les sourcils, et correspond à une anecdote personnelle une fois encore, puisque c’est lors d’un diner qu’un autre convive a fait remarquer à Ruben Östlund que cette partie était marquée sur son visage mais que cela serait facilement arrangé par du Botox.

Dès cette scène d’ouverture, le spectateur saura s’il va apprécier le film, ou pas ! Car ce n’est là que le début. Le couple d’influenceurs campé par Charlbi Dean et Harris Dickinson s’envole pour une croisière sur un yacht luxueux, croisière pour laquelle ils sont bien entendus invités en leur qualité d’influenceurs. La critique est alors suivie de celle des ultra-riches qui se noient dans l’opulence et tout ce qu’elle implique, mais ne les sauvera pas de tout. Les métaphores se multiplient lors du naufrage. Les clins d’œil du réalisateur sont nombreux. Car les écarts faussent les relations entre les Hommes : tous nos rapports humains semblent s’effectuer entre individus d’un même niveau (de richesse, de beauté…) et si ce cercle se rompt, il faut que la raison soit bonne. Un lien de domesticité semble finalement toujours maintenu entre les uns et les autres.

Ruben Östlund parvient à s’emparer de ces aspects peu reluisants de notre société, et à les mettre en scène de façons à la fois si choquantes et si drôles que le message nous frappe en plein visage. Certaines scènes sont peut-être trop longues, et la fin un peu facile, mais il faut voir ce film comme une œuvre, dans son ensemble. Un peu comme un tableau dont tour à tour vous vous approchez pour regarder les détails picturaux, puis vous éloignez pour changer de point de vue et le voir dans ensemble, avec recul.

A bientôt trente ans, Julie vit à Oslo, en couple avec Aksel, dessinateur de BD à succès âgé de 45 ans. Jusqu’à ce qu’elle rencontre un inconnu lors d’une soirée…

Le réalisateur Joachim Trier signe ici une comédie romantique et dramatique qui soulève sans tabou les questions existentielles des jeunes de cette génération : choisir un travail et s’y tenir sans s’épanouir, ou se chercher et changer ; l’envie – ou non – d’avoir des enfants, la fidélité dans le couple… L’erreur serait de penser que parce qu’il s’agit d’un très beau portrait de femme, ces thèmes leur sont réservés. En effet le réalisateur a souhaité aborder des sujets qu’il a lui même expérimentés : « J’ai passé les 40 ans, j’ai vu mes amis vivre toutes sortes de relations de couple et j’ai ressenti le désir de parler d’amour, et de l’écart entre le fantasme de la vie que nous aurions rêvé de mener et la réalité de ce que sont nos vies. Le personnage de Julie a commencé à prendre forme : une jeune femme spontanée, qui croit qu’on peut changer de vie à sa guise et qui recherche ça, puis qui se retrouve un jour confrontée aux limites du temps et à celles de chacun y compris les siennes. Il n’y a pas un nombre infini d’opportunités dans une existence. » D’ailleurs il ne prétend pas avoir réalisé un exposé sur les femmes mais plutôt « comment les relations amoureuses reflètent nos attentes existentielles. Dans notre culture occidentale, on a été élevés dans l’idée que l’amour et la carrière sont les endroits où s’épanouit une vie. Ça dépasse donc le genre », explique le réalisateur.

S’il montre tout sans filtre, au risque parfois de choquer, Joachim Trier aborde tous ces sujets avec finesse et pertinence. Né au Danemark, le réalisateur a grandi en Norvège et adore le cinéma français qui l’a beaucoup influencé ; ainsi lors de la présentation du film a-t-il précisé qu’il s’était notamment inspiré du célèbre « Un Homme et Une Femme » de Claude Lelouch.

Renate Reinsve lors de la présentation du film au Festival du cinéma américain de Deauville © Anne-Sophie Rivereau

Le choix de ses acteurs principaux lui a permis de porter cette réflexion à son paroxysme avec des interprétations bluffantes des deux acteurs principaux : Anders Danielsen Lie, également médecin dans la vie, et qui tenait déjà le rôle masculin principal dans un précédent long-métrage du réalisateur Oslo, 31 août, et Renate Reinsve, qui y jouait un petit rôle -une seule réplique- : « On va faire la fête ! ». Et pourtant le réalisateur explique bien que depuis ce moment, il n ‘a cessé de suivre son évolution, principalement au théâtre faute de propositions au cinéma. Jusqu’à ce rôle qu’il écrit pour elle et qui vaudra à l’actrice un Prix d’interprétation Féminine au dernier Festival de Cannes. Malgré son jeune âge elle a su interpréter un personnage en proie à de nombreux conflits intérieurs « Julie porte en elle une forte mélancolie. Elle sabote ses relations amoureuses pour des raisons que je laisse à la libre appréciation du public, mais je pense que ce penchant autodestructeur est un aspect intéressant de sa personnalité. Julie est une « imperfectionniste ». Elle hésite entre tel ou tel homme comme dans toutes les comédies romantiques, mais au bout du compte, elle devrait surtout penser un peu à elle. » explique Joachim Trier.

Bien que je n’ai pas adhéré à certains éléments de rélaisation et que je mette un bémol sur la fin, ce film m’a émue aux larmes.

Avec ce grand rôle, Renate Reinsve est devenue dans son pays celle qui a été primé pour avoir interprété « The Worst Person in the World » (« la pire personne au monde », titre original du film). Quelle ironie.

Le film sort en salles le 13 octobre 2021. 02h08

Cannes Classics célèbrera cette années les 20 ans du film sublime IN THE MOOD FOR LOVE de Wong Kar-wai, avant qu’il ne ressorte sur grand écran l’été prochain. Le film avait été présenté en sélection officielle au Festival de Cannes en 2000. L’acteur principale Tony Leung avait remporté le Prix d’interprétation masculine.


Le Festival du Film Asiatique de Deauville avait rendu hommage en 2013 au réalisateur hongkongais en sa présence.

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The Homesman

The Homesman

 

A l’origine un ouvrage de Glendon Swarthout, The Homesman a été adapté et réalisé par Tommy Lee Jones. Après le très cynique Trois Enterrements, il réalise ici un film qui est en quelque sorte un western au féminin, en sélection officielle lors du 67ème Festival de Cannes.

On suit le voyage de Mary Bee Cuddy (Hilary Swank), pionnière indépendante qui se dévoue pour conduire trois femmes devenues folles jusque dans l’Iowa. Sur la route, elle fera la rencontre de George Briggs (Tommy Lee Jones), vagabond désagréable, auquel elle sauve la vie. Ils feront dès lors une partie de la route ensemble…

Un film superbe dans lequel Tommy Lee Jones a su alterner drame et comédie poru aboutir à une fresque très poétique.