Dans son dernier livre, Frédéric Beigbeder créer un roman à partir d’une photo. La photo, c’est celle d’Oana O’Neill: la fille du grand dramaturge Eugene O’Neill, l’un des membres du Club des Orphelines Dorées avec Gloria Vanderbilt et Carol Marcus et actrice de l’après-guerre; l’histoire, c’est celle de son histoire d’amour (fictive) avec Jerry Salinger, l’auteur de l’Attrape-cœurs.

Et Beigbeder sait s’y prendre pour emporter son lecteur: il écrit des lettres au nom de Salinger et d’Oona, les lettres auxquelles il n’a pu avoir accès dans la réalité; il enrichit son récit de nombre de détails historiques sur le cinéma de ces années-là, mais aussi et surtout sur la Second Guerre mondiale, des précisions souvent méconnues sur ce tragique épisode de l’Histoire.

Comment souvent avec lui, on voudrait pouvoir retenir toutes les phrases terriblement justes dont il a le secret. Il nous transporte au gré de ces belles histoires d’amours: celle d’Onna et Jerry, mais aussi celle d’Oona et Charlie Chaplin…

Son récit frôle la perfection. Jusqu’à la page 320. A partir de la page 321, il décide, pour des raisons qui lui appartiennent, d’achever ce beau roman sur une autre histoire d’amour: celle qu’il vit actuellement avec sa femme, de leur rencontre à aujourd’hui. Il parvient par ces quelques pages à ruiner tout le charme enchanteur de son récit, par des phrases dégoulinantes de mièvrerie, qui n’auraient pas manqué de lui donner la nausée il y a encore 3 ans de cela. Pourquoi être tombé dans cet écueil quelque peu pathétique du « serial fucker » quinqua qui se range enfin, mort d’amour pour sa jeunette, vous, pourtant tellement plus brillant que la plupart de des hommes correspondants habituellement à ce descriptif ?!.. C’est votre vie me répondrez vous peut-être; oui mais alors, pour nous relater cela par le menu dans les dix dernières pages de votre roman?…

Frédéric, j’étais une inconditionnelle de vos récits, j’achète même Lui tous les mois pour ne pas couper le cordon entre deux de vos romans. Mais vous avez par ces quelques pages anéanti non seulement le respect et l’admiration que j’avais, mais -et c’est bien plus grave- anéanti ce que vous aviez passé 300 pages et des années à bâtir/écrire. Quel dommage…

Oona & Salinger

331 pages – Editions Grasset – 19€

 

Retrouvez ici mes impressions sur Frédéric Beigbeder lors de sa séance de dédicace à Deauville: http://www.deauvilleontaime.com/frederic-beigb…-oona-salinger/