A l’occasion de le publication du livre « Leurs 4 vérités« , Vladimir Fédorovski recevait hier au C.I.D. Monsieur Roland Sicard, ancien rédacteur en chef de Télématin sur France 2 et actuel présentateur de l’émission « Les 4 vérités« .

 

Vladimir Fédorovski (VF): « Alors que l’état du monde, et entre autre celui de la télé, baisse, « Les 4 vérités » demeurent fidèles à la grande tradition de la télé. Le livre « Leurs 4 vérités » offre quant à lui une véritable « téléscopie » du monde ».

Roland Sicard (RS): « Le secret est que l’on peut tout demander à la condition de le demander gentiment ».

VF: « Le problème des journalistes actuels n’est-il pas justement de ne pas poser de questions mais de donner des réponses?! »

 

Les personnages

RS: « Il rencontre les invités tôt le matin -ils arrivent vers 07h20-, et les premiers instants sont très révélateurs de la personnalité.

 

Nicolas Sarkozy est dès son arrivée « dans son truc », il se prépare comme un boxeur. Il y a dans cette attitude une part d’intimidation, et il reste jusqu’au début de l’émission dans cette auto-agressivité qui le met en condition pour intimider le journaliste. Lors de l’entretien, il regarde généralement de côté lorsqu’il répond, ce qui est très déstabilisant pour l’interlocuteur. Son ton demeure assez dur tout du long. »

Roland Sicard précise que la première fois il a été très impressionné et a même pensé que Nicolas Sarkozy lui en voulait peut-être de quelque chose.

« Et pourtant, après l’émission, ce dernier passe au tutoiement, tape dans le dos des gens, sourit.

Il est intéressant de préciser qu’il applique cette stratégie à tous ceux qu’il rencontre », et non pas seulement aux journalistes par exemple.

 

François Hollande

« Il est toujours en retard; au mieux arrive-t-il 40 secondes ou 1 minute avant le début de l’émission. Il est d’ailleurs généralement maquillé sur le plateau. Au contraire de Nicolas Sarkozy, il est jovial, de bonne humeur, drôle: dans l’amusement permanent. Depuis son arrivée à l’Elysée, les gens qui le côtoient décrivent l’inverse: [[…] sa nouvelle fonction a révélé sa vraie personnalité. »

 

Jacques Chirac

RS: « Il a longtemps souffert d’une image d’homme peu cultivé. C’est en partie grâce aux « Guignols de l’Info » qui l’ont représenté à partir de 1995 avec des couteaux dans le dos qu’il est apparu aux yeux du monde comme victimisé, et comme le gentil. Gentil qu’il est dans la vie: il se préoccupe de tout, s’assurant par exemple lors des déplacements que tout le monde a bien un taxi de prévu etc-, il veut tout savoir et se révèle être u vrai organisateur. Il a été mésestimé, mais le grand mystère réside dans le fait de savoir pourquoi il a lui-même cultivé cette image d’homme qui ne s’intéresse pas aux choses profondes. »

 

Lionel Jospin

RS: « Son image de psychorigide correspond de fait à la réalité. Il ne cherche pas à être sympathique ni à améliorer son image. Peut-être fait-il un blocage sur les émissions qui pourraient l’aider dans cette voie depuis son inteprétation télévisée de la chanson « les feuilles mortes ». 

[…]

 

Jean-Marc Ayrault

RS: « Il avance à pas feutrés, parle très bas, donnant ainsi le sentiment qu’il est impressionné par le journaliste. Toujours  inquiet, manquant de confiance, il demande systématiquement l’assentiment. »

 

Alain Juppé et Laurent Fabius

RS: « Ils sont comparables en cela qu’ils sont tous deux surdoués, et se sentent donc obligés d’utiliser des formules simplistes pour se faire comprendre, ce qui donne l’impression aux interlocuteurs d’être pris pour des imbéciles. »

[…]

 

Les rapports entre monde politique et télévision

RS: « Les hommes politiques invités sont choisis en fonction de l’audience qu’ils font et qui est connue à l’avance. On revoit toujours les mêmes parce qu’il y en a peu de bons. 

L’autre critère réside dans les contraintes imposées par le CSA, qui se sont considérablement alourdies. […] Ainsi, en les prenant en compte, Roland Sicard est-il « obligé de recevoir Nathalie Arthaud une fois tous les trois mois. Ce qui constitue en une distorsion de la réalité. « 

Il n’y a selon lui « pas d’étanchéité entre les deux univers; il existe une proximité à laquelle il faut être vigilant pour que ça ne devienne pas de la complicité. »

« Marine Le Pen est une « assurance tout risque » en termes d’audience. Bosseuse, elle prépare toujours quelque chose; une émission avec elle comportera ainsi assurément une sortie importante. Elle a une conduite assez intelligente: elle a construit depuis cet été un discours cohérent et parvient ainsi à imposer son idée. »

VF: A l’instar des propagandistes, elle finit pas croire ce qu’elle dit et va peut être même parvenir à le réaliser.

[…]

RS: « La difficulté à la télévision est de ne pas dire quelque chose qui va détourner l’attention du message principal. « Un message par jour » est le principe de base. »

Dans la presse il y a un effet boule de neige. Une information diffusée est par la suite reprise. Ainsi, la une du Parisien est « la bible ». 3 fois sur 10 elle sera la une du 20H.

[…]

L’arrivée de la TNT a bouleversé le paysage audiovisuel. Avant, LCI n’avait ainsi pas d’impact. Mais aujourd’hui, i>TELE ou BFM TV sont regardées par les politiques et il existe désormais une sorte de course de vitesse à la petite phrase. Il y a eu une accélération du rythme de l’information qui est devenu démentiel. On assiste aussi à une dramatisation de l’information à travers sa mise en scène. On s’oriente de plus en plus vers une information H24 et le 20H perd donc de son intérêt, risquant de subir le même sort que la presse écrite; en effet, on n’apprend plus de nouvelle via celle-ci. […] La possibilité de tout avoir tout de suite fait que le résumé a une espérance de vie réduite.

[…]

Roland Sicard, séance de dédicace de "Leurs ' vérités", Editions Albin Michel

Roland Sicard, séance de dédicace de « Leurs 4 vérités », Editions Albin Michel   © Anne-Sophie Rivereau